Zineb Briouil brûle les étapes
COURSES HIPPIQUES 2017-05-28La filière équine marocaine ne pouvait rêver meilleure ambassadrice. En fait, Zineb Briouil, la jeune jockey révélation de l’année 2017, est une publicité grandeur nature. Avec son sourire et ses succès, elle est le symbole de la qualité du travail de la SOREC dans le développement de la filière équine et dans la valorisation des métiers du cheval.
Plus qu’un métier, jockey est une vocation pour Zineb Briouil. C’est Bouchra Marmoul, première femme à pratiquer ce métier d’hommes, qui a ouvert la voie. Zineb a suivi le mouvement. Elle l’a amplifié. Elle ne s’est pas contentée de pratiquer un sport d’hommes: elle les a battus plusieurs fois. Avec l’art et la manière !
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, son premier exploit n’est pas une victoire mais une cinquième place, au GP Moulay El Hassan, lors du Meeting international des courses de pur-sang, sur Alranger, en novembre dernier.
Et si c’est bien la victoire qu’elle cherchait le 6 mai dernier lors du championnat du monde des cavalières de son Altesse Sheikha Fatima Bint Mubarak, organisé par Lara Sawaya, elle n’a pas eu de chance au tirage au sort. Sa monture, la véloce Fehria (Dahess) a trouvé le tour de piste de Marrakech interminable... N’empêche, lors de l’inauguration de l’hippodrome de Marrakech, Zineb a été heureuse de troquer sa traditionnelle casaque de l’écurie Lyazidi contre les couleurs du Maroc . «Représenter le Maroc a été un honneur» dit Zineb Briouil, dont l’excitation est encore à son comble. «Néanmoins, j’aurais voulu être la première jockey à inscrire mon nom au palmarès de l’hippodrome de Marrakech...»
Zineb aurait tort de ne pas être ambitieuse. Depuis le début de l’année, elle a déjà accumulé 11 victoires en cinquante courses. Elle ne court pas beaucoup mais elle gagne souvent. Quand on l’a rencontrée, la jeune femme était encore auréolée de ses succès pour l’écurie Lyazidi, à Casablanca, sous un déluge dantesque, sur Bouderra ou à Meknès, sur Aïn Aouda et pour l’écurie Sedrati, à El Jadida, sur Il Wala, lors d’une épreuve réservée aux jeunes jockeys et apprentis
A Marrakech, Zineb Briouil affrontera, pour la première fois, des adversaires de la même gent. A peine âgée de 18 ans, elle porte l’espoir d’une nouvelle génération de femme-jockey, avec la technicité d’une vraie experte et la volonté d’une lionne. «Son secret, c’est le courage et la persévérance» a confié son entraineur, David Bouland, responsable de la formation des jockeys à l’Institut National du Cheval Prince Héritier Moulay El Hassan.
Zineb, qui a intégré l’Institut comme soigneuse d’équidés, n’a rejoint l’école de jockeys que lors de sa deuxième année. En juin, elle finira son cursus et deviendra ainsi la première femme jockey diplômée ! «Zineb est une apprentie pleine de ressources» dit David Bouland. «Elle a un contact inné avec le cheval, qui lui permet de bien maîtriser sa monture. Une fille est naturellement beaucoup plus douce avec un cheval, ce qui augmente le rapport de confiance entre les deux. La monture devient plus facile à manier. Elle se démarque par son acharnement et son refus de l’échec face à des adversaires de sexe opposé, qui, naturellement sont censés être plus aptes physiquement.»
Néanmoins, la jeune jockey manque encore de de confiance en elle. «Parfois, elle pense qu’elle n’y arrivera pas» précise David Bouland. «Elle pourrait être encore plus forte si elle dépassait ses incertitudes.»
En tout cas, Zineb Briouil, dont le modèle est Jawad Khayat, est assurément la révélation de l’année 2017 au point que nos confrères de Derby l’ont surnommée «La Demoiselle de fer». Très sollicitée par plusieurs écuries , Zineb maintient sa confiance à l’écurie Lyazidi qui lui a donné sa chance et à son propriétaire, Harb Lyazidi qui la considère comme sa fille.
Normal, Zineb est née en 1998, à la ferme Lyazidi, sur la route de Aïn Aouda, à Rabat où son père, M’Barek, travaille depuis son plus jeune âge. Cadette d’une famille de quatre filles, elle suit les traces de son père, lui-même ancien entraîneur... de sauts d’obstacles et dont le frère Bou Amer a terminé avec succès une carrière de jockey de 12 ans, en Arabie Saoudite.
Chez les Briouil, le cheval n’est pas une passion, c’est un héritage qu’on se transmet. «J’ai commencé à monter à l’âge de 9 ans» dit Zineb. «Mon père m’a appris de la façon la plus naturelle. Puis j’ai récolté le fruit d’une expérience de longues années passées à dresser, entretenir, et entraîner les chevaux de courses».
Au début de sa carrière, Zineb était spécialiste de sauts d’obstacles. «Mon père a été mon premier entraîneur» dit celle qui reçoit, à neuf ans, le «premier degré», décerné par SAR Feu la Princesse Lalla Amina, diplôme que Zineb conserve fièrement comme un premier passeport dans le monde du cheval. «Zineb a grandi entre les chevaux» confie le papa. «Il est presque naturel que la relation entre ma fille et l’animal soit si exceptionnelle. J’ai encouragé Zineb à devenir jockey. Elle m’a toujours dit qu’elle était le garçon de la maison et qu’elle pouvait tout aussi bien faire les choses qu’un homme».
Elle fait même mieux, semant la terreur dans les stalles de départ et faisant taire les mauvaises langues. «Au début, avant chaque course, en préparant ma monture aux côtés de mes adversaires masculins, j’entendais : ‘Ce n’est qu’une fille, elle ne pourra pas gagner’» avoue Zineb avec le sourire. «Il fallait que je leur prouve qu’ils avaient tort, et qu’une fille peut tout aussi bien monter à cheval qu’un garçon. J’ai puisé une partie de ma force dans ces commentaires pour relever le défi.»
Elle ne voyait pas que le papa, lui, baissait la tête. «J’avais tellement peur pour Zineb que je fermais les yeux quand je la voyais dans les boîtes de départ» confie M’Barek qui a toujours dit à sa fille qu’elle serait une excellente jockey.
Aujourd’hui, il ouvre les yeux et compte les victoires. Surtout, c’est lui qui entraîne sa fille quand elle ne suit pas les cours de David Bouland, à l’INC Prince Héritier Moulay El Hassan, c’est à dire une semaine sur deux. «Ce n’est pas plus dur d’entraîner sa fille» précise M’Barek, devançant la question. «Au contraire, un seul regard suffit pour se comprendre.»
Outre son père et David Bouland, Zineb Briouil peut aussi compter sur les conseils avisés de Jean-Claude Pécout, l’entraîneur de l’écurie cher à Azzedine Sedrati qui a eu du nez en misant très tôt sur la jeune fille. «Jean-Claude me donne des consignes qui valent de l’or» avoue Zineb.
D’autres éleveurs lui ont aussi fait confiance, autant pour la course que pour l’entretien des chevaux, notamment la Ferme El Alami, où elle s’est occupée du dressage des poulains. Sans oublier Rachid Fahmane qui tient un élevage à Souissi.
Zineb et son papa avouent d’une même voix leur reconnaissance et leur fidélité aux écuries Lyazidi et Sedrati. Et confessent un rêve encore plus grand quand on le partage à deux entre un papa coach et une fille jockey.
Et Zineb de confier: «Je rêve de porter les couleurs du Haras Royal des Sablons». M’Barek, confirme que le rêve pourrait devenir réalité... «J’attends un appel de leur entraîneur Joël Seyssel» confie-t-il. En tout cas, Zineb met tous les atouts de son côté. Quand elle n’est pas à cheval, elle travaille sa condition physique. Elle court trente minutes après chaque entraînement, sous les encouragements de son papa, soit seule, soit en tenant un poulain.
Elle pèse entre 39 à 40 kg et veille à ne jamais dépasser cette barrière. «Il faut garder le poids» dit-celle qui n’oubliera jamais sa première victoire, en 2015, sur l’hippodrome Souissi, à Rabat où elle s’entraîne en alternance avec la Ferme Lyazidi et sa piste de 1200 mètres.
Elle n’oubliera jamais non plus un accident à Khemisset qui continue à la hanter. «Ma jument était très nerveuse» se souvient-elle. «Elle refusait que je la monte. En avançant vers les couloirs, elle a marché sur une pierre et s’est fracturé la jambe. Je m’en suis toujours sentie coupable. Je m’étais même juré de ne plus remonter. J’ai refusé les entraînements pendant 15 jours».
Heureusement, l’aide psychologique d’un père bienveillant a prolongé l’aventure équine de la jeune fille. Pour le plus grand bonheur des amoureux des courses marocaines et des spectateurs qui auront la chance d’assister à l’inauguration de l’hippodrome de Marrakech....